Gastronomie & Vins | Le 27 juin 2024
Jura : la vigne, le vin, la vie
Une fine bande de vignes s’allonge du nord au sud sur 80 kilomètres, entre Besançon et Bourg-en-Bresse. Elle forme l’un des plus petits vignobles de France (2000 hectares) et l’un des moins connus, réservant pourtant à ses visiteurs et dégustateurs un assortiment joyeux de mystères et délices. Ici, on ne marie pas vraiment les vins et les plats, tout semble sorti d’un même feu, issu d’une même famille. Le territoire est petit, ceci éclairant peut-être la puissante culture du vin en pays jurassien, élevée au fil des cuvées en philosophie. La vigneronne attitude irrigue naturellement les activités de loisirs suggérées dans les villages vacances Cap France de la région, au nombre de quatre.
Au « bon pays », à Dole et Arbois, entrez dans les maisons de Louis Pasteur, fidèle et intime du Jura
Le vignoble du Jura, qu’on nommait parfois « le bon pays », aime se distinguer. Il y met plusieurs manières. On lui associe des personnages identifiés par tous, contribuant à sa notoriété. Dans deux genres différents, voici Louis Pasteur et Henri Maire. Le premier est natif du Jura, à Dole, et possédait à Arbois un petit vignoble expérimental. On le connaît trouveur (de plusieurs vaccins) et chercheur sur les maladies du vin, déclarant un jour ce que l’on jugerait aujourd’hui provocateur : « le vin est la plus saine des boissons » (à boire avec modération, on est d’accord !). Le deuxième personnage est un contemporain controversé, au parcours passionnant. Certains affirment que Henri Maire, bercé par la tradition familiale des vignes, est la cause d’une montée en puissance de la marque Jura, bénéfique à tous les vignerons. D’autres lui reprochent, par ses coups commerciaux et son sens industriel du vin, d’avoir abîmé l’image du vignoble. C’est surtout le mode de vinification de certains vins qui fait de ce pays un vignoble totalement à part, notamment les vins jaune et de paille. Généralement, on adore ou on déteste (je suis membre du premier clan et fier de l’être !). « Le vin jaune est issu exclusivement du cépage Savagnin, planté sur les argiles bleues jurassiennes, son élevage en fût de chêne est de six ans et trois mois, sans compenser la part d’évaporation d’environ un tiers du volume. Un voile de levures se forme à la surface du vin et le protège de toute oxydation. Le vin de paille, vin rare, est un grand liquoreux issu des plus beaux raisins récoltés grappe par grappe en début de vendanges, à partir d’un assemblage de Savagnin, Chardonnay et Poulsard. Déposées dans des clayettes sur un lit de paille, pendant environ quatre mois, les grappes flétries et déshydratées, regorgeant de sucre, sont pressées. 100 kg de raisins produisent 15 à 18 litres de moût [de jus]. La fermentation est très lente et le vin de paille doit vieillir trois ans en fût de chêne », précise le si goûteux dico du vin.
Château-Chalon, le « phare du vignoble jurassien » : une visite à faire en famille, qui n’a pas fini de vous surprendre
Sept appellations en AOC se partagent le vignoble : l’Étoile, Côtes du Jura, Arbois, Château-Chalon (AOC géographiques), Crémant du Jura, Macvin du Jura, Marc du Jura (AOC Produits). Comme on n’a guère le temps d’aller traîner son nez partout, je vous suggère un indispensable dans votre carnet de programme de vacances : Château-Chalon ! C’est l’un des plus merveilleux villages viticoles et perchés de France. Il fut même classé parmi les plus beaux villages de France et il n’a pas volé cette rosette. On dit là-bas, là-haut aussi, qu’il est « le phare du vignoble jurassien » et « le berceau du célébrissime vin jaune » : « Entre héritage culturel et gastronomie, vignes et majestueuses reculées, ce magnifique village n’a pas fini de vous surprendre. Tout comme l’écrivain Bernard Clavel, qui en était tombé amoureux au point de s’y installer, Château-Chalon ne laisse personne indifférent ! Son site imprenable, tout comme le charme de son cœur de bourg, lui prêtent un cachet indéniable qui l’a hissé dans le club très fermé des Cités de caractère de Bourgogne-Franche-Comté ». Je vous conseille la visite en famille avec vos enfants (de Château-Chalon et globalement du vignoble du Jura)… et ceci n’est pas une provocation. Simplement, je me plais à vous signaler que le Comité Interprofessionnel des Vins du Jura (CIJV) développe une démarche intéressante pour inciter les familles à visiter le vignoble. Des jeux, des questionnaires, des pages de coloriage sont à la disposition des bambins et suscitent leur curiosité sur les paysages, les villages, l’histoire du Jura et de son vignoble, la fabrication du vin… Pas question qu’ils goûtent… mais qu’ils ressentent la complexité de ce produit de la terre et du soleil. « Quels parfums de fruits peux-tu retrouver en sentant un vin rouge du Jura ? » est-il demandé dans un des quiz. Papa ou Maman goûtent et les enfants questionnent. Alors, quels parfums ? Fraise, melon, poire, pomme, framboise, cerise, banane, orange (oui, tout ça). Au-delà du liquide, il est intéressant et indispensable en Jura de s’attarder sur le solide, la gastronomie : le mot va bien au Jura qui assimile les deux, solides et liquides, dans les plaisirs de la bonne chère. Il semble bien qu’ici les plats et les verres s’accoquinent tendrement depuis des lustres. Plus qu’un mariage, c’est une communion perpétuelle, à l’image de la légendaire poule au vin jaune. Mais là n’est pas tout. Le Jura est par exemple très fan des plats enfromagés, pommes de terre au morbier et au lard, soufflé ou gratin dauphinois au comté… ceci n’étant qu’un minuscule aperçu des réjouissances.
Un « Escape Wine » pour le réveillon du 31 décembre au village vacances du Duchet
« Le succès des vins du Jura tient beaucoup dans le fait qu’ils s’accordent très bien avec les mets », confirme Vincent Charpentier, directeur du Duchet. Ce village vacances en altitude (950 mètres), engagé de longue date pour le tourisme vert, offre un paysage fantastique et propose une gamme variée d’activités en toutes saisons…. dont la découverte des vins du Jura. « Nous sommes en lien avec les producteurs locaux et mettons régulièrement à l’honneur notre gastronomie, poulets fermiers, truites, morbier, comté, chèvre… Tous les mardis et vendredis soir, par exemple, au cours d’un service à l’assiette, nous servons les spécialités culinaires du Jura, avec un Côtes du Jura et, en apéritif, un crémant du Jura de la fruitière vinicole de Pupillin ». Voilà une excellente adresse, je vous confirme, leur Savagnin mériterait un Nobel du bon goût, il est une avant-première savoureuse de la rencontre avec l’un des maîtres du vignoble, le vin jaune. Le Duchet propose également des visites et dégustations au domaine Cartaux-Bougaud, labellisé « Vigneron indépendant », propriétaire-récoltant sur 16 hectares depuis bientôt un demi-siècle. L’équipe de Vincent, attachée à ce patrimoine viticole et culturel réfléchit à d’autres occasions d’emmener les vacanciers se délecter des vins et ambiances du Jura. Le 31 décembre, un original « Escape Wine » (Escape game sur le vin) ouvrira les festivités. « En fait, contrainte sanitaire oblige, nous mettons en place trois pôles apéritifs pour le soir du réveillon, ce sont trois points de dégustation pour le début de soirée, afin de partir à la découverte des vins du Jura dans la convivialité et la bonne humeur. Nous avons pensé qu’une animation sur chacun de ces espaces serait la bienvenue, d’où l’idée de l’Escape Wine, avec des quiz et jeux ludiques que nous reproduirons à l’avenir. L’idée est de bâtir à terme un jeu de piste accessible aux vacanciers en téléchargeant l’application Le Duchet, déjà disponible sur Apple store et Play store ». Gestionnaire du domaine skiable Prénovel-Nanchez (ski nordique), le village Cap France a de quoi ravir votre envie de reprendre la forme au lendemain d’une soirée de réveillon : ski, raquette, luge et tutti quanti.
Le Chalet de la Haute-Joux joue la carte de la diversité des domaines viti-vinicoles
À Cerniébaud, au Chalet de la Haute-Joux, on célèbre tout aussi joyeusement – et à plus de 1000 mètres d’altitude – le patrimoine viti-vinicole du Jura. La directrice du site, Natacha Lahaye, explique qu’un « caviste local vient sur place faire des dégustations. Nous sommes aussi très friands des marchés locaux où il est possible de déguster vins et spécialités franc-comtoises. Nous emmenons nos groupes en tenant compte des demandes, car les domaines offrent des prestations très différentes. Nous sommes aussi des fournisseurs de bonnes adresses, par exemple les domaines Tissot à Arbois et Faudot à Mesnay ou, parmi les bonnes découvertes, le domaine des 5 Wy à Arbois ». Ce domaine s’appuie sur une démarche mêlant tradition et sensibilité écologique, avec notamment « des vendanges essentiellement manuelles, une utilisation limitée et raisonnée des intrans (SO2, levures, filtrations…) dans la vinification et l’élevage ou une priorité aux partenariats locaux ». Et comme il n’y a pas que le vin dans la vie, Natacha suggère l’évidence qui tombe à pic : « Notre région produit aussi du Pontarlier Anis, de l’absinthe ou du Vert Sapin, une liqueur à base de bourgeons et de plantes, qui plaît beaucoup aux vacanciers. Elle a été inventée en 1902 par Armand Guy »… le même Guy que la distillerie Guy, à quelques kilomètres du chalet, naturellement intégrée au parcours.